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    « Tu crois que je vais te laisser entrer en Israël faire un attentat ? »

    En chemin vers la Palestine pour continuer son travail sur les camps de réfugiés, Mouna Saboni, photographe, a été retenue à l’aéroport de Tel Aviv puis envoyée en centre de détention. Témoignage.

    Au contrôle des passeports, on m’a mise sur le côté. Ça ne m’a pas surprise, ça se passe tout le temps comme ça quand je descends de l’avion à Tel-Aviv. C’est la quatrième fois que je voyage en Israël.

    Il est presque 10 heures du matin et j’arrive de Paris. Sans doute que ça leur paraît louche une jeune fille qui voyage toute seule. Et puis, surtout, je suis d’origine marocaine, j’ai la double nationalité mais qu’un passeport français.

    On me pose toujours énormément de questions là-dessus : le nom de mon père, le nom de mes grands-pères, quelle famille j’ai au Maroc, pourquoi j’y vais si souvent, si je parle arabe, si je suis déjà allée en Afghanistan, en Irak... A chaque fois, ils m’interrogent longuement et je refuse de donner les contacts de ma famille. Et à chaque fois, ils me laissent partir.

    Je reste toujours bloquée entre une et deux heures à l’aéroport avant d’aller récupérer mes bagages.

    Elle me dit que je mens

    Après les services d’immigration, j’ai le droit à un deuxième entretien, avec la sécurité. Une femme me pose les questions habituelles (en anglais) : « Pourquoi je suis là ? Est-ce que c’est la première fois que je viens ? » Comme d’habitude, j’en dis le moins possible, que je viens en touriste en Israël.

    Je ne précise pas que j’irai aussi en Palestine car je sais comment ça se passe. Si tu sors le mot « Palestine », tout devient plus compliqué. Ça prend plus de temps, on demande à voir tes contacts...

    Elle me demande ce que j’ai fait les précédentes fois, où je suis allée, si j’ai des contacts sur place, quelles villes je compte visiter. J’ai passé les mois d’octobre et de novembre en Israël et en Palestine. Elle trouve ça bizarre que je revienne si vite.

    Elle veut savoir si la dernière fois, je suis allée en Palestine. Je lui réponds que oui, juste à Bethléem. Elle me dit que je mens, que je suis aussi allée à Ramallah. Comment le sait-elle ? J’ai dû être enregistrée à l’occasion d’un contrôle à un check point.

    Je lui confirme : je ne voulais pas le cacher, j’ai juste oublié que j’étais allée y voir une amie française qui vivait là-bas. Sur ce, elle me fait patienter. Pendant cinq heures. Personne ne me parle, on m’apporte à manger à un moment, les gens passent et s’en vont.

    Moi, j’attends et je sens que ça prend une sale tournure. Jamais je n’avais autant patienté.

    « Il ne te reste plus que deux réponses »

    Cinq heures plus tard, elle revient en me disant : « Tu m’as menti, maintenant fais bien attention à ce que tu vas me dire. » Elle me demande ce que j’étais venue faire les deux premières fois en Palestine. Je sais que les interrogatoires sont enregistrés et je lui dis la vérité : je suis photographe, j’étais venu mener à bien un projet photo en Palestine pour mon école.

    Je la vois se mettre à chercher mes photos sur Internet. Elle commence à s’énerver. Elle tourne son écran et me montre des photos que j’ai prises dans un camp de réfugiés et, en particulier, des portraits de mères de prisonniers qui tiennent des photos de leurs fils.

    Le but de mon projet photo, c’était de comprendre le quotidien des Palestiniens, la vie de tous les jours. Je voulais évoquer le conflit le moins possible mais il est partout. Je patiente à nouveau, elle revient :

    « Maintenant, ça suffit, je veux tous tes contacts à Gaza. »

    Je lui dis que je n’y suis jamais allée, c’est vrai, ils le savent très bien – aucune trace de contrôle, aucun enregistrement, aucun tampon du Hamas sur mon passeport. Je n’ai aucun contact. Elle me dit :

    « Il ne te reste plus que deux réponses. Quels sont tes contacts à Gaza ?
    – Aucun contact à Gaza.
    – Il ne te reste plus qu’une réponse, fais gaffe !
    – Non vraiment rien. »

    Là, je comprends bien que c’est très mal barré, qu’ils vont sans doute me renvoyer à Paris. Je pense à mon projet photo que je ne vais pas pouvoir finir, aux gens que je ne reverrai pas. Je m’inquiète pour la suite car je ne sais pas du tout ce qu’ils attendent de moi.

    « Tes liens avec ceux qui se font exploser ? »

    Elle devient de plus en plus virulente. Elle me demande quels sont mes liens avec « les gens qui se font exploser ». Elle me le demande en arabe, je lui réponds que je ne comprends pas l’arabe. Elle me le répète en anglais, en ajoutant :

    « Je sais que tu as des liens avec eux, tu crois que je vais te laisser entrer en Israël pour que tu fasses un attentat ? »

    Je m’inquiète parce qu’on entre dans toute autre chose. On touche à des choses dangereuses, à la sécurité de l’Etat, au terrorisme. Elle me parle d’une interdiction de territoire pendant dix ans, me dit que je vais finir en prison en France. Là, je ne comprends plus rien, je ne contrôle plus rien.

    Je ne suis jamais allée dans un pays qui forme les djihadistes, je ne suis jamais allée à Gaza, je ne suis pas militante pro-palestinienne, je ne suis encartée nulle part, je n’ai jamais fait de manifestation contre la politique d’Israël. Ils sont censés le savoir quand même.

    Elle s’énerve tellement que je me défends mal. Elle me dit : « Une femme qui a menti une fois peut mentir toute sa vie. » Je vois bien qu’elle ne cherche plus à dialoguer avec moi. Elle repart et revient.

    Ils me font ouvrir mes photos des favelas

    Il est 18 heures, ça devient interminable. Entre les interrogatoires, il y a beaucoup d’attente, beaucoup de moments humiliants. Ils prennent mon portable, regarde tous les contacts palestiniens dedans, me demande qui ils sont. Elle vide ma valise où j’avais de l’argent liquide, elle me fait compter les billets à voix haute, me dit de compter plus fort.

    Elle me demande si je suis allée à Hébron la dernière fois, je réponds non, elle me montre sur Internet une photo que j’ai prise à Hébron et me rétorque que je mens. Je lui dis que je ne l’ai pas prise la dernière fois mais il y a trois ans. Ça devient ridicule.

    C’est très étrange et désagréable comme sentiment : je n’ai rien à cacher, mais ils parviennent à me donner le sentiment que je leur mens.

    A 21 heures, on me demande d’aller récupérer mes bagages, j’ai à nouveau droit à un interrogatoire, cette fois avec les gens de l’aéroport. On fouille tout, on regarde mon ordinateur. Ils me font ouvrir certaines images des favelas de Rio, qu’ils prennent pour des camps de réfugiés. On prend mes empreintes, on me photographie, ce qui ne m’était jamais arrivé.

    Deux types arrivent, je sors par une petite porte, on me fait entrer dans un van blindé vitres teintées noires, on me fait mettre toutes mes affaires derrière. Je demande des explications, on me répond : « Tu crois qu’en plus on va t’expliquer ? »

    Un type finit par me dire qu’ils m’emmènent dans un endroit pour dormir en attendant de prendre mon avion. Le 1er mai. Je lui dis : « Mais on est le 28 ! »

    « C’est quoi ce bordel ? Je suis en prison »

    J’arrive dans un centre de rétention, une maison entièrement sécurisée, entourée de barbelés, à 5 minutes de l’aéroport. Je peux passer un coup de fil à une amie, journaliste en France.

    Ensuite, on prend toutes mes affaires, je me retrouve dans un hall avec plein d’écrans de surveillance et une dizaine de gardiens, on me donne un sandwich. Je pense que je vais rester là mais pas du tout.

    On me conduit dans une cellule. Il est minuit, aucune lumière n’est allumée. Je distingue des lits superposés et des femmes qui dorment. Là, je me dis : « Mais c’est quoi, ce bordel ? Je suis en prison. »

    J’ai presque envie de rire parce que ça devient grotesque. Je me mets sur mon lit, je dors par tranches de deux heures.

    Le lendemain, par la fenêtre, je vois ces montagnes trop belles où j’avais prévu d’aller et où je n’irai peut-être plus jamais.

    Je finis par me mettre « en mode off ». Je reste trois nuits et deux jours pleins comme ça. Je suis épuisée, je mange mal, je n’ai pas d’énergie. J’attends juste que le temps passe.

    Le premier jour, les gardiens sont assez sympas, on nous laisse sortir cinq fois cinq minutes dans la cour. Le lendemain, je peux récupérer un bouquin. Parfois, on a le droit d’aller chercher un vêtement de rechange. D’autres fois, non.

    Aucun profil comme le mien

    J’échange un peu avec mes codétenues, il y en a qui parlent anglais. Certaines sont sans doute vraiment touristes mais d’autres, je pense, sont venues pour s’installer en Israël. Elles viennent de Moldavie, Ukraine, Russie ; il y a une Chinoise à un moment, une Ghanéenne aussi. Beaucoup ne restent que quelques heures. Aucun profil comme le mien.

    Le deuxième jour, on ne nous a pas laissées sortir pendant neuf heures, je ne sais pas pourquoi. Et le soir, ils nous font un sale coup. : ils rallument la lumière vers minuit, avec la clim’ froide à fond. On gueule, ils passent en se marrant. Je n’ose pas trop me plaindre parce que les gardiens sont tout-puissants, ils disposent du pouvoir de me donner à boire, à manger et de m’autoriser une sortie.

    L’ambassade m’a téléphoné le premier matin et je leur ai demandé d’appeler mes parents. On m’a demandé si j’étais bien traitée, on m’a dit qu’on allait essayer de faire changer le billet d’avion, on m’a proposé la visite du vice-consul. Je leur ai dit que j’étais bien traitée et que ce n’était pas la peine. J’étais déjà rassurée de savoir qu’on me suivait.

    Le jeudi matin, on me ramène à l’aéroport et on me met dans un avion. A l’atterrissage en France, la police aux frontières me reçoit. Ils sont super étonnés et super gentils. Ils me conduisent dans un bureau, regardent mon passeport et tapent mon nom dans un ordi. Ils ont l’air un peu gênés, m’interrogent à peine et me laissent partir.

    Ce n’est pas un crime de faire des photos !

    Depuis que je suis rentrée à Paris, je n’arrête pas de me repasser le film. Qu’est-ce que j’aurais dû dire ? Qu’est-ce que je n’aurais pas dû dire ? Je finis par m’en vouloir alors que je n’ai rien fait de mal. Je n’ai rien à cacher.

    Et en même temps, je me dis : ce n’est pas un crime de faire des photos, ce n’est pas un crime d’aller en Palestine ! Ce n’est pas interdit par la loi. Les Palestiniens n’ont pas le droit de bouger et on empêche même les gens de venir les voir.

    Israël est un pays en conflit, je comprends qu’il y ait des mesures de sécurité plus fortes que dans d’autres pays. J’accepte très bien de me faire interroger pendant une heure, même si je trouve que la démarche est raciste.

    Ce serait fondé sur des activités politiques ou autres, mais là, ce n’est que sur un nom de famille... Je connais des filles de mon âge, dans la même situation mais sans nom arabe, qui passent sans souci.

    J’avais déjà entendu parler de mésaventures comme la mienne, des gens qui travaillent pour des ONG ou des militants pro-palestiniens.

    Le pouvoir de m’enlever une part de ma vie

    Aujourd’hui, je ressens surtout de la tristesse et de la colère, aussi. Ce sont quatre années de travail et de relations qu’on me coupe brutalement. Ces gens ont quand même le pouvoir de m’enlever une part de ma vie.

    Il faut que j’en parle avec l’ambassade, savoir si mon interdiction de séjour est confirmée – pour l’instant, elle m’a juste dit qu’elle ne connaissait pas la raison de mon renvoi –, mais je n’y retournerai pas de si tôt.

    J’avais besoin de certaines photos pour finir mon projet dans le camp de réfugiés, je voulais comprendre le rapport entretenu avec leur terre natale. Je suis soutenue par Olympus, je devais faire une exposition à la fin de l’année. J’essaierai de terminer mon projet d’une autre manière.

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    Making of : J’ai fait la connaissance de Mouna Saboni peu avant sa mésaventure. La jeune femme de 26 ans a été interrogée par plusieurs médias, mais nous voulions recueillir son témoignage plus en profondeur. Nous avons choisi de l’accompagner de quelques unes de ses photos, celles que les autorités israéliennes ont consultées. Imanol Corcostegui
     
    « Raisons de sécurité » : Contactés par l’AFP, les renseignements intérieurs israéliens se sont contentés de confirmer que l’entrée de Mouna Saboni a été refusée « pour des raisons de sécurité ». Sollicité par Rue89, le ministère de l’Intérieur n’a pas répondu. Nous avions déjà publié un récit de ce genre il y a un an. La sécurité aux frontières israéliennes a été durcie suite à la constitution récente en Palestine d’un gouvernement d’union nationale entre l’OLP et le Hamas. I.C

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    Dernière mise à jour : 01/08/2014 - Nombre visiteurs : 8160400
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