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Dhû-'l Qarnayn

Dhû-'l Qarnayn ou le bicornu est un personnage du Coran mentionné la première fois dans la Sourate 18 al-Khaf, où il est fait le récit de ses conquêtes et de l'emprisonnement par ce dernier de Gog et Magog (1), qui faisaient du tort au peuple croyant se trouvant à proximité, grâce à la construction d'un mur de fer et d'airain.

Qui est réellement le bicornu ?

Selon la tradition, Dhu-'l Qarnayn, était un homme qui fut doté par Dieu de grandes richesses et de grands moyens techniques pour son époque. Malgré ces avantages, ce dernier fit toujours en sorte de les utiliser pour le bien-être de ses sujets qui en étaient dépourvus, et jamais pour abuser de leurs faiblesses et les exploiter.

Dhu-'l-Qarnayn se prononce littéralement « l'homme aux deux cornes » ( ou « le Bicornu »), la seule étymologie de son nom, ne donne pas d’avantage d’information sur sa réelle identité. Le Coran, bien que très informatif sur le parcours de ce personnage, ne s'attarde jamais sur les détails historiques ou géographiques des récits qui le composent, mais plus sur les leçons et morales qu'il faut en tirer. C'est pourquoi de nombreux savants musulmans se sont appuyés parfois sur des sources judéo-chrétiennes pour tenter de reconstituer le parcours chronologique de certains personnages cités dans le Coran, ainsi il en va de même pour le récit du Bicornu.

Alexandre le Grand ?

Une rumeur persistante chez la majorité des musulmans fait état que Dhu-'l Qarnayn serait en fait Alexandre le Grand (ou Alexandre III de Macédoine). Ceci est dut au fait qu'à l'instar du Dhu-l-Qarnayn coranique, Alexandre avait réussi jusqu'à sa mort à régner sur un territoire proprement immense, et qui "s'étendait de l'Occident à l'Orient".

La principale contradiction à cette affirmation vient du fait qu'Alexandre le Grand était un polythéiste avéré, se considérant d'ailleurs lui-même comme un Dieu, et que c'était un roi cruel n'hésitant pas à supprimer toute opposition à son règne despotique. Il est donc logique que Dhu-'l Qarnayn ne soit pas Alexandre le Grand, et qu'il s'agisse donc d'une autre personne ayant vécue bien avant lui à une époque fort lointaine dont l'histoire "officielle" ignore presque tout.

 

(1) Se référer à notre article sur Gog et Magog >>

 

Cyrus roi de Perse ?

Une autre opinion voudrait que Dhu-l-Qarnayn soit en fait Cyrus II le Grand, roi de Perse, qui régna sur les Mèdes et les Perses de 556 à 530 environ avant JC. Cette opinion est celle de Abu-l-Kalâm Azâd, et a été adoptée et développée par as-Syohârwî, qui, dans son ouvrage Qassas ul Qur'ân, a consacré près de 50 pages sur le développement du personnage de Dhu-'l Qarnayn.

Il a ainsi pendant toutes ses recherches pu recueillir les éléments suivants, qui renforcent l'opinion selon laquelle Cyrus EST Dhu-'l Qarnayn. Voici quelqu’uns des extraits les plus percutants.

• Cyrus II était Zorahastrien (2), ce qui revenait à l'époque à l'adoration d'un Dieu unique. (En effet, le fondateur de ce culte, Zoroastre (Zarathushtra) avait aussi prêché l'unicité en son temps en Iran, mille ans avant le christianisme).

• Le surnom « Dhu-l-Qarnayn » ou « l'homme aux deux cornes » lui viendrait du fait qu'il aurait réussit à rallier le royaume de Perse et celui de Mède suite à la bataille de Ecbatane en l'an -550.

• En l'an -547, Cyrus II avait conquit la province Lydie située à l'extrême ouest de la Perse, montrant ainsi qu’"il avait atteint le Couchant" (Coran 18/ 86).

• En l'an -546, Cyrus II dut revenir sur ses terres pour ramener la paix dans les tribus de la province de Bactriane, située à l'extrême Est de la Perse, étayant le verset : "il avait atteint le Levant" (Coran 18/ 90).

• Enfin, en l'an -539, Cyrus II avait conquit Babylone.

Ces faits, sont d'ailleurs bien connus des historiens. De même, il faut également mentionner que les versets coraniques attestant la construction du mur par Dhu-l-Qarnayn, peuvent être attribués à Cyrus II, ce dernier s'étant effectivement rendu jusqu'en Circaucasie, où il aurait ordonné la construction d’un Mur, dans la passe de Darial. (3)

De plus, d'après Pierre Briant (4), les dernière années de règne de Cyrus II sont restées assez floues concernant les activités de ce dernier, et il est également complètement impossible de connaître avec exactitude les campagnes qu’il aurait mené.

Enfin, on peut voir Cyrus mentionné dans le Livre d'Esaïe, dans l'ancien Testament, ce qui laisse à croire que les juifs en général et en particulier ceux qui sont venus interroger le prophète Muhammad (PBSL) faisaient aussi le lien entre Dhu-l-Qarnayn et Cyrus. La Torah rapporte que ce dernier fut un homme de foi, faisant partie des rapprochés de Dieu. Il est également fait mention dans certains passages biblique d'une porte d'airain à verrous de fer, ce qui contribue encore à le rapprocher de Dhu-l-Qarnayn.

45.1 Ainsi parle l'Éternel à son oint, à Cyrus,
45.2 Qu'il tient par la main, Pour terrasser les nations devant lui, Et pour relâcher la ceinture des rois, Pour lui ouvrir les portes, Afin qu'elles ne soient plus fermées; Je marcherai devant toi, J'aplanirai les chemins montueux, Je romprai les portes d'airain, Et je briserai les verrous de fer.
45.3 Je te donnerai des trésors cachés, Des richesses enfouies, Afin que tu saches Que je suis l'Éternel qui t'appelle par ton nom, Le Dieu d'Israël.
Esaïe XLV

Enfin de notre point de vue, nous pensons qu’il est possible que Dhu-l-Qarnayn ait vécu des millénaires avant l’air judéo-chrétienne et non seulement quelques centaines d’années comme on le laisse supposer, et que de ce fait, les informations nécessaires à l’établissement exact de son identité soient perdues à jamais (5).

Il est à signaler aussi que dans la tradition musulmane, il existe quelques hadiths attribués au prophète (PBSL), qui rapportent quelques éléments du parcours de Dhu-l-Qarnayn. Cependant, de part leur contenu non-conforme au bon sens et éloigné de la raison, ces hadiths prennent plus l’apparence de contes légendaires, que de véritables récits attestés. De nos jours, beaucoup de commentateur de la tradition réfutent ces hadiths, en leur conférant le statut de "hadith faible" « Dhai’f A Sanad ». Mais Dieu est le plus savant.

 

(2) Religion d’origine divine, mais dont les rites additifs ont travesti son message originel au fil du temps, pour finir par lui donner un caractère polythéiste dans sa forme telle que nous la connaissons aujourd’hui.
(3) Voir notre article sur Gog et Magog >>
(4) Historien français spécialiste de l’Antiquité, né le 30 septembre 1940
(5) Nous pourrions relever ici qu'en l'absence de véritables témoignages recueillis dans le cadre d'une tradition "orale" ou "écrite", la "mémoire populaire" d'une civilisation quelle qu'elle soit est condamnée à la l'extinction dans la mesure ou elle n'est jamais à l'abri de l'épreuve du "temps". Ce qui expliquerait toutes les difficultés qu'éprouve l'humanité actuelle à reconstituer sa propre histoire au-delà de 3000/4000 ans, si ce n'est par un système de "supposition-déduction", qui du fait des ces méthodes exclusivement discursives ne peut nullement être fiable.

 

A retenir du Coran ?

Il a déjà été mis l'accent, précédemment dans cet article, sur l'importance et la mise en avant du message à méditer, ou plus exactement d'une "morale religieuse", au sein du Coran, qui reste plus importante que les acteurs utilisés pour faire passer le dit message. C'est de cette façon qu’il faut interpréter le récit de Dhu-'l Qarnayn.

En effet, Dhu-'l Qarnayn est présenté comme un homme bénéficiant de toute la puissance et des moyens nécessaires pour dominer son époque. Pourtant ce dernier s’en est servi dans le but d’œuvrer pour le bien, et non pour agresser ou dominer les peuples qu'il a rencontré. Comportement qu’oublie malheureusement souvent ceux qui possède le pouvoir de nos jours.

D'ailleurs à ce propos, Dhu-'l Qarnayn fait preuve d'une bonté sans équivoque, lorsqu'il aide les habitants à construire le mur qui les protégera de Gog et Magog, sans rien leur demander en retour. Ces habitants sont d'ailleurs décrits comme des hommes ne comprenant pratiquement pas le langage de Dhu-'l Qarnayn, et ce dernier n'abuse pourtant pas de sa position de force pour les duper ou les asservir.

98. Il dit : “C'est une miséricorde de la part de mon Seigneur. Mais, lorsque la promesse de mon Seigneur viendra, Il le nivellera (le mur retenant Gog et Magog) . Et la promesse de mon Seigneur est vérité”.

Sourate 18 : AL-KAHF (LA CAVERNE)

Un second message à retenir de ce récit serait que les hommes, si puissants et si intelligents qu'ils soient, ne doivent leur puissance et leurs moyens technologiques qu'à Dieu, qui finira tôt ou tard par leur reprendre ce qu'Il leur a octroyé. Car en réalité il n’existe de véritable puissance que dans la soumission à Dieu.

6. N'ont-ils pas vu combien de générations, avant eux, Nous avons détruites, auxquelles Nous avions donné pouvoir sur terre, bien plus que ce que Nous vous avons donné ? Nous avions envoyé, sur eux, du ciel, la pluie en abondance, et Nous avions fait couler des rivières à leurs pieds. Puis Nous les avons détruites, pour leurs péchés; et Nous avons créé, après eux, une nouvelle génération.

Sourate 6 : AL-ANAM (LES BESTIAUX)

Auteur: Souhayl.A & Lionel.J
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